Quand le squash ne vous quitte jamais vraiment
Grâce à mes contacts sur le Caire (merci Régine), j’avais réussi à obtenir un rendez-vous avec son Excellence Éric Chevallier, Ambassadeur de France en Égypte.
En effet, j’avais appris grâce à un article de Jérôme Elhaïk que son Excellence était un fervent supporter de notre sport, et j’avais décidé d’en apprendre plus sur sa relation avec le Squash.
Je ne m’attendais pas à ce que son début de parcours de squash ne miroite le mien à ce point…
L’Ambassade de France au Caire
Le Caire, Giza, au bord du Nil, à deux pas de Zamalek. Un taxi, un peu confus, finit par me trouver la petite porte de l’Ambassade de France. Une porte discrète, qui mène à un petit parc. Une petite allée, et après les formalités de sécurité, je pénètre dans le merveilleux bâtiment de l’Ambassade.
Le parfum du bois précieux qui orne les murs et les plafonds, le calme, la tradition, le respect. Incroyable ressenti. Ces moments où l’on se dit qu’on fait vraiment un métier hors du commun…
‘O Temps, suspend ton vol’…
Je suis reçue par une, puis deux, puis trois collaborateurs de l’Ambassadeur, tous plus charmant(e)s les uns que les autres. ‘L’Ambassadeur va avoir un peu de retard, il s’excuse’. Franchement, je ne suis pas vraiment étonnée… Déjà, que son Excellence prenne le temps de me recevoir, c’est magique.
Quelques minutes plus tard, il me reçoit dans son bureau, sublime pièce au plafond haut et chaleureux, qui me fait penser aux demeures du Vieux Caire, Old Cairo. Conçu à l’époque où il n’y avait pas de climatisation, permettant une circulation de l’air et gardant ainsi les pièces au frais.
Siham, sa collaboratrice, s’assied non loin de moi, et enregistre elle aussi la conversation. Cela me rassure. Si je foire l’enregistrement, j’ai un backup…
Il était une fois un Ambassadeur qui aimait le Squash…
Son Excellence a 65 ans – comme moi – et parle du squash avec une émotion intacte.
« Alors, mon amour du squash, remonte à il y a à peu près 45 ans, où j’étais étudiant à Paris et je cherchais un sport. J’ai toujours été sportif, j’ai beaucoup joué au football notamment, mais je cherchais un sport urbain. »
Le squash arrive alors au bon moment, porté par une figure qu’il n’a jamais oubliée.
« Arrivait à l’époque le squash, porté en fait par une personne dont j’ai gardé un souvenir très ému, Shahjahan Khan. »
REPORTAGE INA –
PRESENCE DE SHAH A PARTIR DE 1′
Rewind – Fram au Club de Montparnasse

Boing, Boing, Squash, Squash, Baoum, Baoum… J’entends encore le son des balles sur les murs souterrains du Club de Montparnasse. Un club qui aurait pu être si déprimant ou oppressant pour les claustros comme moi. Nous sommes au début des années 80.
Situé sous la Tour Montparnasse – qui était à l’époque le bâtiment le plus haut de Paris après la Tour Eiffel, 210m de haut contre 330m pour Eiffel – sans aucune fenêtre extérieure, le Club était le Coeur du Squash en France, avec les Carnaux de Joué les Tours bien sûr.
Je venais de “monter à Paris” comme on disait en province, pour commencer ma carrière de comédienne. Comment je suis arrivée à Montparnasse, qui me l’a recommandé, je ne sais plus. La seule chose dont je me souvienne, c’est le sourire de Shah, son petit bedon de la quarantaine, plus beaucoup de cheveux sur le dessus, long sur les côtés.
Des tables rondes, des sièges confortables, tout ça à la mode des années 60/70, genre psychédélique. Orange? Vert? Enfin, pas vos clubs anglais, au velours feutré et distingué. Mais on pouvait s’asseoir, regarder les autres jouer en dessous grâce aux vitres donnant sur les courts. Et on parlait. Et on riait. Et on râlait quand on perdait. Et on transpirait beaucoup…
Shah Khan, notre Gourou
Shah, c’était l’âme du club. De son nom entier, ShahJahan Khan, frère de Hiddy et Zarak, oncle de Shahjahan Khan, joueur PSA actuel sous la banière des US, père de Sameer/Waqar/Sohail Khan…

Retour au Présent – Bureau de l’Ambassadeur
Shah Khan, installé à l’époque sous le parvis de Montparnasse avant de passer à Rennes Raspail, incarnait une philosophie du jeu à part entière, me rappelle son Excellence. Membre de la grande famille des Khans, il impressionnait moins par la vitesse que par l’intelligence du jeu.
« C’était très rigolo de le voir sur le court, et face à lui, notamment des jeunes en pleine forme, très, très affûtés, et qui ressortaient absolument épuisés, transpirants, demandant grâce. » sourit son Excellence.
Pendant que les jeunes s’écroulaient, Shah restait imperturbable, au centre du court, se déplaçant à peine.
« Shah jouait avec son survêtement, à l’époque il ne mettait même pas de short, il avait distribué la balle, il n’avait jamais quitté le T. »
Et surtout, il nous serinait une phrase fondatrice:
« Le squash, il ne faut pas courir, il faut tenir le T. Je me souviens de ses phrases sur l’importance du contrôle, du positionnement, du mental, de l’intelligence de positionnement et de situation. »
La passion s’installe. Mr Chevallier continue à jouer, progresse, fait des tournois — une fierté assumée.
« Je suis même devenu classé deuxième série… j’en étais très fier. »
Il joue alors au club de Rennes-Raspail, rue de Rennes, participe aux compétitions régionales et enchaîne les tournois.
« J’ai participé aux fameuses compétitions… les ligues régionales… et puis je faisais quand même pas mal de tournois un peu partout. »
Originaire de Fontainebleau, il garde des attaches à Avon, où le squash devient aussi un moyen de financer ses études.
« Pour payer une partie de mes études… je venais le week-end donner un peu de cours et jouer un peu à Fontainebleau, à Avon plus précisément. »
Cut to Fram: Je jouais donc dans le même club, je faisais des tournois tout autour de la France, je terminais en quart, ce qui me payait les frais de déplacement, et pour gagner ma vie, je travaillais pour la Ligue de Paris comme secrétaire, et j’en ai passé du temps, à Avon… Là encore, miroir…
Pour notre Ambassadeur, entre 20 et 30 ans, le squash est essentiel. Un équilibre. Fram, pareil…
« Ça a été pour moi une activité… vraiment quelque chose d’important, et qui me donnait une petite soupape de sécurité. »
Car les années sont lourdes.
« J’ai fait des études de médecine, je suis docteur en médecine, et puis j’ai fait Sciences Po… la conjugaison des deux demandait quand même des investissements forts. Le fait de jouer au squash était une façon de décharger beaucoup d’énergie. »
Puis, brutalement, une pause de plusieurs décennies.
« Ça fait 35 ans que je n’ai pas touché une raquette de squash. »
L’Egypte, les Maîtres du Squash
En arrivant en Égypte, la question revient naturellement.
« En arrivant ici en Égypte, je me suis beaucoup posé la question parce qu’on sait bien aujourd’hui la place considérable de l’Égypte dans le squash, c’est hallucinant… féminin et masculin.
« Moi, à mon époque… il y avait le Pakistan, la période des Khans, et les Égyptiens… aujourd’hui, on voit bien la place dominante des Égyptiens. »
Les Monde Juniors au Caire 2025
« Je suis allé voir les championnats du monde junior. La ferveur populaire… l’intégration de ce sport en Égypte. »
Aujourd’hui ambassadeur de France en Égypte, il se réjouit de voir le squash occuper cette place privilégiée dans le pays.
« Je suis heureux de voir que le squash prend cette place et que l’Égypte a pris cette place dans le squash mondial. »
Malgré plusieurs propositions — y compris de jouer avec de grands champions et championnes égyptiens et français — il n’a pas encore repris.
« Je ne l’ai pas encore fait… mais je pense que je vais le faire à un moment ou à un autre. Je vais retoucher une raquette avant que je ne parte de ce pays… »
Parce que le squash, finalement, ne vous quitte jamais vraiment, et que franchement, quelque part, le squash doit vous manquer… si si….











