Tristesse: Fred Canot n’est plus…

Xavier Chiloux partage son émotion…

C’était un Mythe, que dis-je, une Légende !

LISEZ LA BELLE PAGE DE SOUVENIRS DE XAVIER

 

C’était un mythe que dis-je une légende !

La première fois que j’ai rencontré Frédéric Canot, dit Fred, dit Fredo c’était il y a une quarantaine d’années dans les années 1984/1985.

Alors modeste deuxième série en squash, j’avais décidé avant mon service militaire de faire un tour de France des clubs de squash pendant l’été.

J’enfourchais ainsi ma fidèle moto Honda 650 CBC et armé du petit guide des clubs de squash de France sponsorisé par Martini, je me mettais en route.

Alors, ni téléphone portable, ni Internet.

Mon objectif était à tout le moins de pouvoir me rendre dans les clubs des deux plus grands entraîneurs de l’époque, à savoir Jean-Luc Bonétat à Tours et Roger Barandiaran à Biarritz.

Je commençais mon périple par le club des Carnaux à Tours et dès la descente de la moto affrontais Éric Vassor que je ne connaissais pas alors et dont je devais devenir le parrain d’une de ses filles.

La soirée fut mémorable et il me fut difficile de retrouver le chemin du club en suivant le cours d’une rivière car il y en a deux à Tours…

Le lendemain, je partais avec les clés du club et les renvoyais par la poste sans que cela n’émeuve plus que cela Jean-Luc Bonétat.

Après être allé notamment à Issoire et à Carcassonne, j’arrivais à Biarritz où j’avais prévu de ne rester qu’une journée.

Roger Barandiaran mit à ma disposition le studio pas très loin du club et je restais de ce fait… une semaine…

À peine arrivé dans le club, il me dit qu’il avait un joueur pour moi en l’occurrence Frédéric Canot qui était déjà en équipe de France.

Ce fut assez rapide…

Ce dont je me souviens et peut-être certains arriveront à le confirmer, c’est qu’il y avait sur les deux murs latéraux d’un des courts de squash… des crocs de boucher…

Roger, ingénieur de formation dans l’aéronautique, avait imaginé confectionner une sorte de harnais avec des élastiques pour forcer Fred, lorsqu’il allait à l’avant du court, à revenir se placer au milieu…

Ceci expliquera notamment le merveilleux placement qu’il eut toujours durant sa carrière.

Ayant un peu progressé dans le classement, je devais alors en tant que tête de série 30, 31 ou 32 dans le tableau du championnat de France rencontrer à plusieurs reprises Fred au premier tour.

À l’époque, on comptait en neuf points par jeu et on ne marquait que lorsque l’on avait le service.

Autant vous dire que la plupart du temps, je ressortais du match qu’avec un ou deux points.

Je me souviens d’ailleurs d’une fois où Fred n’avait pas enlevé son survêtement rouge écarlate et flamboyant car il voulait transpirer, un peu, et s’en était excusé…

Il continuait vers la gloire et je jouais les matchs de classement…

Par la suite, nous nous retrouvâmes au comité de directeur de la fédération française de squash.

En 1991, alors que se déroulait la finale de l’open de France entre le numéro 1 et 2 mondial, à savoir Jahangir et Jansher Khan, le président de l’époque Roger Boinet nous annonça sa démission pour raisons personnelles.

Un tour de table se fit au comité directeur et c’est la première fois que je vis Fred vraiment ému de ce qui se passait dans l’improvisation la plus totale.

La présidence de la fédération française de squash m’échut et jusqu’en 1996 je pus compter sur Fred à tous les instants.

Ces cinq années furent assez magiques puisque je partageais avec l’équipe de France, dont Fred était un pilier bien évidemment, les déplacements aux championnats d’Europe et aux championnats du monde.

C’était l’époque des John Elstob, Sean Flynn, Julien Bonetat, Nicolas Arnoux, Alexandre Denis, Xavier Auguet, Sebastien Lecat, Renan Lavigne et autres.

Notre premier champion du monde, Thierry Lincou arrivait et le deuxième Grégory Gauthier raflait tout dans les catégories jeunes.

Nous n’avions alors, aucun titre ni podium, tant au championnat du monde par équipe que d’Europe que nous devions récolter par la suite.

Le premier devait intervenir au championnat d’Europe que nous organisions au Set Aix, je crois en 1995 ou 96.

Peter Nicol de l’Écosse venait de battre Jason Nicole de l’Angleterre pour une des premières victoires non anglaises au championnat d’Europe de squash par équipe.

Pour sa part, la France, sur un court annexe luttait pour sa première médaille de bronze.

Fred jouait en dernière partie et il y avait égalité parfaite de victoire et de jeux dans la rencontre.

Il fallait ainsi décompter les points.

Nous étions dans le sud et les supporters étaient fervents et passionnés, mais assez peu comptables.

Ainsi, toutes les trois secondes, Fred se retournait pour demander combien de points il devait encore marquer pour assurer cette médaille de bronze et jamais les informations n’étaient les mêmes.

Si je l’ai vu une seule fois énervé sur le court, ce fût bien ce jour.

Quoi qu’il en soit, ce fut notre premier podium international !

Fred vivait et était la personnification du squash.

Il adorait ce sport et était en outre un sportif accompli dans de nombreuses autres disciplines.

C’est à lui que l’on doit la mort dans l’œuf d’un de nos concurrents de l’époque, assez éphémère, le racket ball.

En effet un dimanche de cette époque, sur une chaîne de radio nationale, je crois Europe 1, un journaliste interviewait Fred Canot.

« Fred Canot, vous voici en finale du championnat de France de racket ball qu’est-ce que vous pensez de ce sport ?

– Honnêtement, je pense que le racket ball n’a strictement aucun intérêt…

– Ah bon, et depuis quand pratiquez-vous le racket ball ?

– Depuis hier matin… »

C’est aussi à cette époque que nous nous retrouvâmes pour un tournoi en Guyane où je représentais en outre la fédération française de squash.

Les matchs qui se déroulaient sur des courts non climatisés commençaient à la tombée de la nuit, vers 18 heures.

Nous logions alors, Fred et moi dans le même appartement et avions décidés, alors que nous devions jouer un quart de finale, de passer la journée ensemble pour que ni l’un ni l’autre ne soit avantagé.

Nous étions allés nous baigner et avions déjeunés ensemble, avec d’autres, à la plage.

Le soir venu, alors que Fred, brun et méditerranéen était évidemment plus habitué au soleil que moi, blond et blanc de peau, c’est pourtant lui qui eut un coup de chaleur.

Contre toute évidence, je pris alors le premier jeu, puis le deuxième et menais dans le troisième.

Ce n’était non seulement pas normal mais assez invraisemblable.

C’est pourquoi je m’adressais alors à Fred en lui disant que cette situation n’étant pas logique et que s’il le souhaitait je pouvais baisser le pied.

Avec sa très grande sportivité il me dit alors : « Xav, il en est hors de question et continue à jouer à fond, si tu dois gagne, tu le feras… »

Je n’ai jamais été aussi content qu’on me refuse un stroke sur une balle de match, ce qui permit à Fred qui était revenu dans la partie de gagner le match et de filer ensuite en finale.

Cette très grande sportivité était l’un des traits majeurs de Fred Canot qu’on a toujours vu avec une attitude irréprochable sur les courts de squash.

Puis Fred devint le professeur du squash du stade français que je devais rejoindre.

En 1996, nous décidâmes de nous rendre au championnat de France vétérans par équipe où nous devions jouer tous les deux avec Anne Sissoko toujours première série.

Sur le papier, il n’y avait pas d’enjeu.

Néanmoins, Fred que l’on savait très joueur sur un court de squash et souhaitant faire le spectacle réussit en finale à perdre le premier match sur Vincent Coulomb alors deuxième série.

Anne ayant gagné le sien, c’est comme si Fred m’avait dit : mon petit bonhomme, tu as cru que cela allait être facile avec deux premières séries, ben il va falloir maintenant que tu mouilles le maillot pour gagner le titre.

Je me retrouvais donc avec le match décisif et je prie cinq points directs dans le premier jeu pour être mené 5/0 !

Je me retournais alors vers Anne qui arbitrait le match et je peux vous assurer que j’ai rarement vu une personne d’origine malienne aussi blanche…

Nous célébrâmes néanmoins la victoire peu après et ce fut paradoxalement un des rares titres de Fred au niveau national.

En effet bien qu’il ait été numéro 1 français pendant 13 mois, il n’avait jamais réussi à gagner le titre de champion de France et il le regrettait.

Nous partageâmes alors de nombreux matchs d’équipe avec le stade français et Fred devint assez proche.

Je me souviens qu’il vint une fois à l’un de mes anniversaires avec la comédienne Gabriel Lazure dont je crois qu’ils ont eu un enfant ensemble.

Il faut vous dire qu’en outre, Fred était un très grand séducteur.

Il adorait la vie et la dévorait, comme les plaquettes de chocolat, sans mesure, c’était sa personnalité et c’est ce qu’on adorait chez lui, quelqu’un d’exceptionnel, une légende de notre sport.

Peu après, il fut recruté comme plusieurs autres sportifs de haut niveau par Adidas chez lequel il ne se plut pas.

À l’époque, l’on ne donnait pas encore de nom à cela, mais c’est effectivement de burnout dont il s’agissait tant la pression était disproportionnée.

Je l’aidais alors à négocier son départ de cette société où il n’était pas heureux.

Nos liens, hélas se sont distendus à partir du moment où il repartit pour Biarritz.

Néanmoins et je le voyais sur les photos et dans les témoignages de ses autres amis, je savais qu’il y était heureux et qu’il avait trouvé sa place, et j’étais content pour lui.

Son départ si jeune est bien injuste et c’est un pan entier de l’histoire du squash français qui s’en va avec lui.

On dit que tant que l’on pense à quelqu’un, il n’est pas parti.

Je sais que la mémoire de Fred vivra ainsi pendant encore de nombreuses années.

Mon ami, que le paradis te soit doux et que la fontaine de chocolat coule à flots.




Incroyable tristesse…
Notre Nico Barbeau vient de m’apprendre le décès de Fred Canot, d’une embolie pulmonaire en jouant au Padel cet après-midi me dit-il.
Toutes nos pensées… toutes nos condoléances.

SUD OUEST

INTERVIEW DE FRED CANOT – ARCHIVES

Aucune description de photo disponible.