Bon, c’est la fête à Sitesquash.
Une interview de Tothor pour fêter la fête des Pères, en français, un article en anglais sur Manu, papa de Victor avec son champion de fils, et zou, je vous mets l’interview de Manu en français.
On vous gâte…
Du tennis au Squash….
“Je vais te raconter l’épisode du tennis. Au tennis, il était doué.
À cette époque-là, le club s’appelait le Palm Squash. Et j’étais entraîneur bénévole, je m’occupais de l’école de squash, des équipes sénior et de l’animation squash, les parents avaient des enfants, du coup, j’entraînais les mômes.
Je ne voulais pas spécialement entrainer mon fils parce que je savais que ça pouvait être compliqué.
On avait les avait mis, sa sœur jumelle et lui, au mini-tennis pendant deux ans, puis au tennis, et comme Victor était assez doué, Il a tout de suite été recruté par la Ligue, avec des entraînements spéciaux.
Sa maman l’amenait donc au tennis et souvent après, elle allait travailler ou faire des choses, donc elle le déposait aux courts de squash et moi, je le ramenais le soir.
Donc bon, une raquette, c’est une raquette, donc il prenait la raquette et il jouait sur le mur. Et puis, un jour, il devait avoir 7 ou 8 ans, il m’a dit, ‘papa, mercredi, moi je suis là, donc je jouer au squash aussi ?’
Et c’est comme ça qu’il a commencé le squash.
A 9 ans, il a été pris par la ligue de tennis, qui prenait les 4 meilleurs de la ligue de Provence, et 4 de la ligue du 13. C’était le Carré d’as. Confrontation entre les 8. Victor gagne le premier match, et est passe dans le dernier carré.
En demi-finale, il n’y avait pas d’arbitre au tennis à l’époque. Il y a eu un litige et la CTR était en fait la coach de l’autre. L’arnaque, oui. Donc ils ont remis les points, une grosse arnaque. Et même si Victor a fini par gagner, il a ensuite refusé de jouer la finale, et a choisi – au grand dam de la fameuse CTR – le Championnat de France de squash à Rennes qui se jouait le même weekend.
Ce fameux match, conjugué avec un coach qui lui mettait trop la pression, et Victor a fini par lâcher le tennis, pour se consacrer au squash. « Papa », il m’a dit, « moi je fais que du squash, c’est mieux. C’est plus sympa. »
Ecrire son ressenti très jeune
Je l’ai un peu forcé dès le début à communiquer. Au début, c’était une contrainte pour lui; Moi, ça me permettait deux choses. Ça me permettait, la première chose, de sentir vraiment ses émotions.
Parce que quand tu parles, tu peux débriefer par oral, mais par écrit, tu réfléchis plus, tu penses à ce que tu écris.
Et puis, comme il voulait être joueur pro, je me suis dit, il faut qu’il apprenne l’anglais le plus vite possible et qu’il se démerde. Il faut qu’il fasse en deux langues. Qu’il communique.
Et après, au niveau des sponsors, je me suis dit aussi, il va falloir de l’argent, donc il faut qu’ils se vendent à des sponsors le plus vite possible. Et au début, Facebook, ce n’était pas encore trop répandu, mais je me suis dit, ben voilà, il faut y aller, quoi. Donc au début, je l’ai aidé, puis après, il a pris le truc en main, et puis de la contrainte, ça a été un plaisir.
Après, il s’est vite rendu compte aussi que ce truc-là le rendait différent et du coup il a été catalogué, genre, ‘qu’est-ce qu’il fait lui, il fait pas comme les autres’. Puis il a vu aussi un autre intérêt du truc. C’est qu’il faisait aussi un peu psychologique tu vois, que les gens avaient peur, quand ils jouaient contre lui. Parce qu’il lisait tout ce qu’il faisait, et que personne d’autre ne le faisait, il rentrait sur le court avec un gros avantage psychologique.
Et son adversaire, mentalement, avait quelque part déjà perdu. Pourtant, jeune, il n’avait pas un gabarit imposant ! Je me rappelle quand il a joué contre Lucas Rousselet lors d’un championnat de France à Nimes!!
Comme dirait Paul Sciberras: deux choses, débriefing puis métacognition. Penser à ce que tu penses, en faire une analyse. Je ne voulais surtout pas que si je lui disais quelque chose, il le prenne pour argent comptant, et qu’il le répète bêtement sans réflexion.
Donc je voulais d’abord qu’il marque ses pensées à lui pour pouvoir en parler après. Et ça depuis tout petit, quand il a commencé à jouer au tennis, donc, quatre ans.
Protection de la relation père-fils
“Très simple. Dès qu’on arrivait à la maison, on n’avait plus le droit de parler de squash.
“Maintenant, je ne te cache pas que c’est toujours un peu dur, des fois, tu vois. Ça évolue, c’est toujours pareil, l’intensité c’est toujours pareil, la problématique est toujours la même, mais ce sont les problèmes qui ne sont plus les mêmes.
“Quand il était plus jeune, c’était plus l’autorité, son refus de l’autorité. Et moi, aussi, quand il y avait des jeunes, ils pouvaient me parler d’une certaine manière sur le cours, mais de lui, je n’acceptais pas. Ou quand il ne comprenait pas assez vite, je manquais de la patience que je prodiguais à un autre joueur. Ou quand je considérais qu’il posait des questions à la c. Je lui disais, arrête, arrête. C’était frustrant pour lui.
Et puis, aussi, des fois, il faut ‘tuer le père’. Ou ne pas l’écouter.
Un exemple, entre l’âge de 13 et 15 ans, il n’a jamais voulu se laisser dépasser par la balle pour faire un double mur de défense qui tombe nick. Il faut que tu le prennes derrière toi. C’est le coup que tu prends derrière. Jamais il ne m’a écouté, j’avais beau lui répéter… Rien à faire.
Et puis un jour, on va faire un stage avec Greg Gauthier à Strasbourg, chez Laurent Malsang. Et Greg lui dit « Mais pourquoi tu ne te laisses pas dépasser par la balle ? » Ah ouais, ça marche comme ça, quoi. Tu vois ?
Bon, je ne lui ai rien dit sur le coup, mais bon, tu te bats pendant deux ans et l’autre, il dit un mot et voilà…
Paul Sciberras, la Méthode Résumée
Le gros truc de Paul, c’est la systémie.
La systémie, c’est faire travailler les 4 dominantes : physique, technique, cognitif et mental dans le même exercice.
Différence entre le cognitif et le mental ?
Les deux se rejoignent car cela touche au cerveau. Le mental, ça va être en résumé rapide, la gestion des émotions, la confiance en soi.
Le cognitif, c’est qui te permet de bien gérer une action : coordination, réactivité, tactique, stratégie.
Le cognitif va t’amener à une bonne coordination : indépendance des deux pieds, indépendance des deux mains. Le cognitif va également te permettre une prise d’info plus rapide, qui va enclencher un raisonnement immédiat : où je vais mettre la balle ? Dans quel endroit du terrain ? Où est mon adversaire ? Dans le cognitif, tu vas travailler tout ce qui est vision périphérique, vision focale, également
Donc la systémie, il faut travailler les quatre dominantes en même temps, dans le même exercice à chaque fois et tu gagneras du temps et surtout rester dans la qualité et la fonction « Squash ».
Observation, Adaptation, Respect du joueur
Nous avons également beaucoup d’indicateurs, d’observables que l’on note. D’un exercice simpliste comme le boast/parallèles tu peux par exemple d’observer le geste de frappe ou le déplacement.
Mais tu peux travailler les quatre dominantes en même temps dans le truc, en t’appuyant sur les données que tu as accumulées sur ton joueur. Les datas sont essentielles.
Disons que tu as remarqué que passé les 45 secondes d’échange, ton joueur souffre, tu vas faire travailler des gammes sur ce rythme-là, sur 45s et 17s de repos, par exemple.
Tu vas toujours le faire travailler physiquement parallèlement à la technique. Sans oublier l’aspect cognitif, en le questionnant : à ton avis, pourquoi tu as fait ceci ou cela ?
Ainsi, tu ne travailles pas comme un bourrin, tu fais réfléchir le joueur, et au lieu de travailler 4 heures, tu vas optimiser et ne travailler qu’une heure pour que le joueur puisse faire autre chose. Même si cet autre chose peut être en relation avec du squash.
Hype – plateforme de chercheurs du sport
La spécificité de l’entraînement de Victor et des joueurs suivant la méthode de Paul est qu’il est contre la musculation en charge lourde.
Quand on a fait les tests sur Victor avec Hype, on s’est rendu compte qu’il n’avait pratiquement aucun manque au niveau musculation, sans parler du fait qu’il ne s’est jamais blessé.
C’est vraiment une méthode, si tu l’emploies bien, qui n’est pas chronophage – tu travailles les quatre dominantes, et tu gagnes donc du temps, et donc tu ne travailles pas sur la quantité, tu travailles sur la qualité.
Gestion des Données
🟦 Analyse des données physiologiques (charge, effort, récupération)
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Couleurs :
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Bleu = ressenti subjectif du joueur
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Jaune = effort réel mesuré par la montre
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Vert = récupération (principalement sommeil)
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Méthode :
Utilisation de la courbe de Foster pour mesurer la charge quotidienne d’entraînement. Tous les entraînements et matchs sont “tagués” manuellement. -
Objectif :
Faire en sorte que la courbe mensuelle de charge soit en progression, tout en maintenant un bon niveau de récupération. Une baisse de charge ou une récupération insuffisante indique un mauvais équilibre. -
Bénéfice :
Évite les blessures liées à la surcharge — sauf accident (torsion, choc…). C’est une stratégie de protection du corps sur le long terme.
📝 Débriefing et auto-évaluation
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Processus :
Victor débriefe lui-même chaque séance, ce qui permet à son père de mieux ajuster les contenus à venir. -
Exemple :
Sur une séance, Victor indique une bonne sensation (bleu), un effort de 5/10 (jaune), et la formule donne une charge de 552. On croise les données objectives et subjectives.
🎯 Analyse tactique : tie-breaks et rythme du score
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Tie-breaks :
Tous les tie-breaks sont recensés par année. On note s’il les gagne, les perd, combien de balles de jeu il sauve ou obtient. -
Constat :
Il perd beaucoup de tie-breaks, souvent par manque d’engagement mental. C’est un axe de travail identifié. -
Analyse fine du score :
On isole les séries de points perdus (ex. 5 points d’affilée contre Paul), puis on cherche les déclencheurs. Souvent, une décision litigieuse, un arrêt du jeu ou une frustration préalable. -
Approche mentale :
Le travail se fait autant sur le jeu que sur ce qui se passe dans sa tête. C’est de la micro-analyse psychologique intégrée à la préparation.
J’ai commencé avec mes jeunes tout au début, on n’avait pas les ordinateurs, alors je faisais ça avec un papier et un crayon. Et je me suis rendu compte que de montrer la progression à un jeune augmentait sa motivation.
Et au lieu de se critiquer, « je n’arrive pas à faire une seule bonne parallèle », tu peux lui dire « ben non, regarde, là je viens de noter sur mon cahier, t’en as fait 8, t’en as 3 qui sont fautes, t’en as 5 qui sont bonnes. » « Ah ouais mais t’es sûr ? » « si tu veux on les compte ensemble. »
J’avais remarqué que beaucoup de jeunes joueurs se décourageaient et abandonnaient le squash, par manque de motivation. Alors, ma technique au début était basique, on mettait des boîtes en carton, on faisait des amorties qui devaient arriver dans le carton. Je lançais 50 balles et on comptait combien il y avait de balles dans les cartons. Et de mercredi en mercredi, on avait un tableau, et on marquait. « Aujourd’hui, j’en avais 25 ». « Tu as vu, là ? Tu en as pris 30, c’est super ». Des choses aussi basiques que ça.
Aujourd’hui avec les avancée technologique, on peut vraiment faire des trucs chouettes. Comme par exemple calculer les charges de travail des séances très précisément pour éviter les blessures et le surentrainement en restant toujours au plus près de la performance.
Ghosting
Paul est friand du ghosting, en EMA (endurance) et en PMA (puissance vitesse), en mettant des cibles sur le court. Et c’est pas du tout le même travail.
Paul insiste sur le timing du rythme cardiaque. Tu fais un test au début, pour savoir ou tu en es et puis tu construis des cycles de travail autour de ta fréquence maximum, puis on t’arrête durant le ghosting et on mesure. Et on travaille pour améliorer la différence entre sa fréquence entre repos et effort. Et on améliore sa fréquence cardiaque.
Encore une fois, il ne s’agit pas « d’éclater ton joueur » sur une séance, mais de le faire progresser petit à petit, tout en t’assurant que la technique est toujours en place, avec des repères pour qu’il mette ses pieds au bon endroit. Si la technique se dégrade, tu arrêtes aussi le ghosting.
Cette méthode demande donc une bonne base de données. On est donc passé de dizaines de cahiers pour Victor – qu’on faisait tous les deux à la main – à l’ordinateur, qui a bien sûr bien simplifié les choses.
Et bien sûr, maintenant, les montres connectées, pour le cardio, c’est essentiel : ça te donne les informations du surentraînement, du sous-entraînement, de la récup’ qu’il faut avoir.
Victor, qualités défauts?
J’ai toujours fait super attention à la blessure. Donc, aller fort, mais pas aller trop loin. Donc, le revers de ça, c’est qu’aujourd’hui, peut-être qu’il n’a pas assez d’engagement. Et c’est sur quoi on travaille maintenant.
Par exemple, tu n’as jamais vu Victor plonger, se mettre à genoux pour ramasser une balle, rentrer dans le dos d’un mec très fort pour aller chercher la balle. T’as jamais vu Victor armer comme ça pour mettre la raquette dans la tête de son adversaire. Je dis pas que c’est bien, mais tu vois, t’as jamais vu faire ça.
Et ça, c’est un peu le revers de la médaille, je trouve. Il a des matchs qu’il a gagnés et qu’il a perdus à cause de ça. Son plus gros default, c’est de ne pas assez franchir son juste possible.
Mais sa plus grande force, c’est le sens du jeu à mon avis. C’est cette diversification qu’il a dans tous ses coups.
Mes qualités et défauts ?
Alors, ma plus grande qualité c’est de chercher toujours quelque chose de nouveau, soit dans la science, soit dans les gens que je côtoie, soit dans d’autres coachs, d’autres sports pas me limiter au squash. Tout est renouvellement.
Je fais partie d’un cercle d’entraîneurs de Marseille où il y a des gens de tout univers et on parle de tout. Et tu t’aperçois qu’il y a des exercices que tu ne connaissais pas et qui sont transférable pour le squash. J’ai toujours la soif d’apprendre. Et je pense que Victor est comme ça.
Mon plus gros défaut, c’est que je manque de pédagogie, et que je ne suis pas patient. Je ne suis pas assez patient. Je suis trop franc, trop direct. Parfois je pense que j’aurais pu mettre des formes.